1.5 - Structures et moyens de gestion, le partenariat local

mise à jour: 01/01/1999

 

Doter chaque site de réels moyens de gestion

Les recettes issues d'un site doivent aller à sa gestion

Propriétés, servitures, conventionnement, réglementation

Des outils pour la maîtrise fonçière des sites
   La TDENS
   Les CREN
   Le CELRL

Des contrats pour la gestion des milieux naturels

Une ASA pour gérer des sites dans l'Hérault

Une structure et un directeur de site

Gérer un site naturel : qui doit payer et comment ?
 

Doter chaque site de réels moyens de gestion

Jusqu'à une période récente, les sites ayant une structure et des moyens de gestion étaient rares. Ces dernières années, des progrès importants ont été accomplis en ce domaine, liés à l'instauration d'outils d'acquisition foncière d'espaces naturels et à la mise en place de structures locales de gestion. Le Conservatoire du littoral tout comme certains départements ont ainsi créé ou suscité la création d'instances de gestion de proximité, chargées de l'entretien et de la surveillance des terrains dont ils sont propriétaires.

Cependant, tous les grands sites, loin s'en faut, ne sont pas encore dotés de structures de gestion efficaces et de ressources propres.
Et une part importante d'entre eux ne sont pas réellement gérés. Les communes riveraines, la plupart du temps démunies, restent seules confrontées aux problèmes d'entretien, de sécurité, etc. posés par l'afflux de visiteurs en saison, ne disposant que de leurs seuls pouvoirs de police en guise de « gestion » du site.

Or la gestion durable d'un site passe par une réflexion sur les problèmes fonciers, par la mise en place d'une structure de gestion responsable de la politique d'accueil et d'entretien, par la mise à disposition de ressources financières permettant de faire face aux dépenses de fonctionnement.

 

Les recettes issues d'un site doivent aller à sa gestion

Il n'est pas de tradition en France de payer l'accès dans un lieu de nature, réputé libre et gratuit.

Il y a quelque chose de paradoxal, voire de choquant, dans le fait que bien souvent, les dépenses engagées par les visiteurs d'un grand site, vont en grande majorité aux activités commerciales alentours qui bénéficient de l'attractivité du grand site (le marchand de souvenirs, la buvette), alors même que le minimum d'entretien du site n'est pas assuré faute, avance-t-on trop souvent, de moyens ...

Ce que le visiteur paie, dans les sites où il est appelé à le faire, c'est non pas à proprement parler un droit d'entrée, mais des services et le plus fréquemment le parking (ce qui peut créer la confusion avec un « droit d'accès »).

Pourtant, même là où la présence de services justifiera le paiement par le visiteur d'une redevance à une collectivité, pour le stationnement par exemple, les recettes ainsi générées ne vont que marginalement à l'entretien du site.

En d'autres termes, les ressources générées par les visites ne bénéficient pas à l'entretien du site, les recettes étant privatisées, les dépenses socialisées.


Il est vrai que l'instauration d'une gestion pérenne et saine des grands sites se heurte à de nombreuses difficultés: absence d'expérience ; statut inadapté des structures de gestion; problèmes fonciers; nombre élevé des partenaires concernés; etc.

Mais un principe simple devrait être généralisé : les recettes directement générées par les visites devraient être intégralement affectées à la gestion du site. Elles devraient être un moyen d'entretien du site et être annoncées comme telles.

Par ailleurs, il y a certainement beaucoup à inventer pour développer la participation (financière ou en nature) à la gestion du site, des acteurs touristiques privés locaux qui en bénéficient directement.


Propriété, servitudes, conventionnement, réglementation

Gérer un grand site, c'est maîtriser son évolution et son développement, être également en mesure d'agir sur le site et sa fréquentation. La capacité à gérer un site suppose donc de disposer d'un droit d'agir (la légitimité, qui interroge la propriété et la structure de gestion) et des moyens (les ressources, les hommes, les techniques). Ce sont précisément des conditions rarement réunies dans le cas des sites naturels et des paysages, lieux ouverts dont l'accès est difficilement contrôlable et le statut foncier hétérogène.

Il est clair que la gestion d'un site se présente de façon fort différente selon que l'on a affaire à un terrain public, à un seul propriétaire privé ou à une multitude de propriétaires, cas de loin le plus fréquent... et le plus complexe.
De même, celle-ci se posera en des termes différents suivant les usages et les modes de mise en valeur du sol : exploitation forestière, agriculture, élevage, ou bien terroirs laissés en friche.  De ce point de vue, aussi, chaque site est spécifique et les modes de gestion mis en place doivent s'adapter à ces particularités. Les acquisitions sont parfois nécessaires pour arrêter des processus de dégradations irréversibles et permettre l'aménagement. Mais il est évident que l'acquisition publique n'est une solution ni généralisable, ni souhaitable, au risque de figer les évolutions et de perturber des équilibres économiques. Il faut alors recourir à des formul es de conventions, de servitudes ou encore de locations afin de s'assurer une certaine capacité d'intervention sur l'aménagement et la gestion du site.

 

Des outils pour la maîtrise foncière des sites


La Taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS)

La loi du18 juillet 1985, modifiée par la loi du 2 février 1995, confère aux départements la compétence d'élaborer
et de mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels.
Pour financer cette politique à vocation patrimoniale et qualitative, le département peut instituer une Taxe Départementale des Espaces naturels sensibles, établie sur la construction, la reconstruction et l'agrandissement des bâtiments.
Le produit de cette taxe doit être affecté d'une part à l'acquisition de terrains en vue de leur protection et de leur ouverture au public, d'autre part à leur entretien et leur gestion.
Instaurée dans une très grande majorité de départements, représentant un montant annuel recouvré de 400 MF environ, la TDENS est un outil de maîtrise foncière et une ressource pour la gestion de nombreux grands sites en France.
Référence : « Evaluation des politiques des espaces naturels sensibles menées par les Départements », Rapport d'Inspection, M. Prats, Conseil général des Ponts et Chaussées et P. Rimkine, Conseil général du GREF, avril 1997.

Les Conservatoires régionaux d'espaces naturels

Ils ont pour objectif la sauvegarde des sites naturels et la conservation in situ de la richesse biologique des milieux naturels menacés.


Ils procèdent à des acquisitions ou s'assurent la maîtrise d'usage de terrains, par location, ou convention de mise à disposition, puis établissent des plans de gestion qu'ils mettent en oeuvre.
Ce sont des associations régies selon la loi de 1901. La majorité d'entre eux ont été créés entre 1985 et 199], et ils sont de plus en plus sollicités.
Les CREN sont regroupés au sein d'une Fédération nationale (« Espaces naturels de France ») reconnue par le ministère de l'Environnement qui a établi une charte précisant les missions et les règles de fonctionnement des conservatoires régionaux.
Des conservatoires régionaux existent dans 21 régions de métropole. Dans une dizaine de départements, des conservatoires départementaux interviennent en tant que délégation du conservatoire régional correspondant.

Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres

Il a pour mission d'acquérir des portions de rivages marins ou lacustres présentant un intérêt biologique et paysager important.

Établissement public à caractère administratif, créé par la loi du 10 juillet 1975, il est doté d'un budget d'investissement provenant de l'État.

Il ne gère pas lui-même ses terrains, mais en confie la gestion aux communes concernées ou, à défaut, à des associations locales.

Il possède aujourd'hui 400 sites représentant 52 000 ha environ.

Des contrats pour la gestion des milieux naturels

L'ATEN a consacré un ouvrage aux outils juridiques de droit privé ayant pour objectif une gestion contractuelle des espaces naturels remarquables. Cet ouvrage présente les contrats permettant la maîtrise fonçière d'un site, ainsi que les conventions permettant son entretien par une tierce personne.

Voir aussi : « Les contrats pour la gestion des milieux naturels », Delphine Deprez, ATEN, 1995
Références : « Formes innovantes de gestion de l'espace en France », F. Veron, CEMAGREF, INERM
étude n° 242, novembre 1991. Et « Contrats de gestion des espaces naturels », idem, étude n° 243, avril 1991.


 

 

 

Une ASA pour gerer des sites dans l'Hérault

Dans le cadre de sa politique des espaces naturels sensibles, le Département de l'Hérault a eu recours à une formule, bien connue des agriculteurs, mais rarement appliquée dans des objectifs de protection :

« l'Association syndicale autorisée », figurant au Code rural.
Il s'agissait de trouver une formule permettant de gérer un espace sensible, morcelé en diverses propriétés et dont le département ne possédait qu'une partie seulement. Suite à l'acquisition de la Serra de, propriété de 400 ha, le conseil général a convaincu les 8 communes disposant des communaux alentours et les propriétaires privés riverains de se regrouper en ASA.
Cette solution a révélé les avantages suivants :
- elle est une alternative à l'acquisition par une collectivité publique
- par le regroupement de propriétés privées et publiques, elle crée un ensemble cohérent
- elle crée une structure, l'ASA, disposant de la maîtrise foncière et pouvant planifier, réaliser et gérer rationnellement les équipements nécessaires
- elle instaure une « gestion rapprochée » impliquant directement les propriétaires et acteurs locaux.

Source : Intervention de M. Courtenier, Agence foncière départemenrale de l'Hérault, Séminaire de la Pointe du Raz, 11-12-13 septembre 1997.

 

Une structure et un directeur de site

Compte tenu de l'imbrication des responsabilités, la mise en valeur et la gestion d'un grand site mobilisent une multiplicité de partenaires (collectivités locales, Etat, propriétaires, associations, scientifiques".) ayant tous légitimité à intervenir: légitimité réglementaire, financière, foncière, scientifique et technique, politique. Cette multiplicité des partenaires rend complexe toute intervention sur les grands sites.
Elle justifie plei nement la généralisation de la fonction de « directeur de site », à même de
structurer le partenaniat local, de piloter les opérations d'envergure sur les sites et d'en assurer la gestion ultérieure. Ces professionnels doivent avoir à la fois des qualités de monteurs de projets, de gestionnaires et de médiateurs. Il s'agit de nouveaux métiers pour lesquels des filières de formations spécifiques devraient être créées.
On peut distinguer deux niveaux de gestion correspondant à des besoins et à des compétences différents :
- la gestion de proximité, au quotidien : petit entretien, gardiennage, accueil ;
- le niveau stratégique : définition d'un projet d'intervention sur le site, réhabilitation, aménagement, mise en valeur... s'appuyant sur des compétences scientifiques et techniques.
La structure de gestion administrative, financière, juridique doit permettre d'assurer ces diverses missions qui correspondent à des responsabilités et à des métiers différents.
La gestion des grands sites suppose le recours à des professionnels aux compétences techniques, scientifiques et opérationnelles de gestion et la diffusion de savoir faire en matière de bilan patrimonial et de plan de gestion.


Gérer un site naturel : qui doit payer et comment ?

Le coût de fonctionnement d'un grand site naturel est composé de charges de gestion écologique ou paysagère et de charges d'animation. L'expérience montre que ce coût n'est que faiblement corrélé à la taille du site mais que ce sont les objectifs de gestion qui influent sur les coûts de fonctionnement. Il y a donc un effet d'entraînement activités/coût, c'est-à-dire que plus une gestion est dynamique, plus les coûts s'élèvent.

Or, s'il est aujourd'hui possible de mobiliser des financements d'investissement pour réhabiliter et réaménager un site, il est difficile de dégager des subventions publiques stables pour son fonctionnement et son entretien ; une part significative du coût de ceux-ci doit être dégagée sur la fréquentation du site lui-même : les entrées, le stationnement, les produits vendus (recettes limitées) et les activités d'animation (qui, même si elles génèrent des produits, coûtent souvent plus qu'elles ne rapportent).

Si le visiteur, et non le contribuable, est sollicité pour financer l'entretien d'un grand site, ce dernier sera d'autant plus sensible à la qualité de « l'offre » : qualité du site et des aménagements, qualité et professionnalisme de l'accueil. De plus en plus, même si l'acquittement d'un « droit d'entrée » se fait à la voiture
(par commodité), la notion de « paiement d'un parking » doit laisser place à la notion de paiement d'un service.
Faire contribuer le public à l'entretien d'un site suppose de pouvoir lui garantir que sa contribution financière est véritablement utilisée à cette fin. La transparence des comptes vis-à-vis du public est indispensable si l'on veut que ce dernier participe activement à la protection, d'autant plus dans les cas où l'on est conduit à restreindre ou à réguler la fréquentation.
Il est clair que l'assujettissement de  l'entretien et de la gestion d'un site aux recettes issues de sa fréquentation fait courir un risque : celui de sa « surexploitation » touristique.
Ce risque illustre là encore l'importance de la réflexion préalable sur la capacité d'accueil du site, et la nécessité de définir une charte d'objectifs et de moyens de la gestion patrimoniale du site, discutée et approuvée par tous les partenaires responsables à un titre ou à un autre de sa préservation dans le long terme.
La réflexion sur la structuration d'une solidarité économique entre les acteurs qui en bénéficient directement, sur l'organisation de l'affectation des ressources qu'ils génèrent doit être une priorité pour les années qui viennent.