2.5 - Quels critères prendre en compte ? Les différents seuils

mise à jour: 01/01/1999

 

Évaluer une capacité d'accueil d'un site suppose de prendre en compte plusieurs facteurs, sans qu'il s'agisse pour autant de recourir à de complexes équations.


Un outil opérationnel d'aide à la gestion, pas un exercice de hautes mathématiques !

« Il y a ceux qui ont fait de la détermination de la capacité de charge d'un site, un exercice de haute mathématique. Au contraire, c'est une simple affaire de bon sens. Si vous oubliez les mathématiques complexes et les dernières recherches techniques pour simplement écouter le jugement des gens de terrain, la capacité de charge peut être établie facilement rapidement et à un coût limité ». Et il ajoute : « il est beaucoup plus important d'établir des repères que de se préoccuper de la précision à 100 %. La situation change de toutes façons et la capacité d'accueil devrait être ajustée en fonction des évolutions. La clé est de ne pas se plonger dans les formules compliquées, mais au contraire de rester simple et d'aller vers des décisions appropriées. »

Ken Chamberlain, « Carrying capacity », Tourisme focus n° 8, 1997, UNEP-IE


On distinguera :

1/ la capacité physique du site:

- la capacité physique du site: étendue, relief, forme du terrain, degré d'enclavement ... ,

- la sécurité des personnes: aux points de vue où se concentrent les visiteurs, par exemple, à la Pointe du Raz, sur l'extrémité rocheuse surplombant le gouffre nommé «  l'enfer de Plogoff » ; ou encore sur les routes d'accès au site.


2/ la capacité écologique et patrimoniale : les caractéristiques
environnementales et patrimoniales (vestiges archéologiques, éléments bâtis ... ) : capacité d'adaptation des écosystèmes à la fréquentation (faune, flore, milieux, érosion, modification des données physico-chimiques dans les cas extrêmes, résorption des déchets ... ), capacité de résistance des vestiges. Il s'agit d'évaluer le moment où des dégâts d'ordre biologique ou patrimonial surviennent. La capacité écologique et patrimoniale va dépendre de la durée du phénomène. On pourra accepter quelques minutes de piétinement intensif dans une lande de bruyère chaque jour, mais des journées entières à ce rythme risquent fort d'endommager l'écosystème ;  ou encore, le piétinement répété jour après jour depuis plusieurs années à Carnac, a fini par affecter gravement les alignements, obligeant à des mesures radicales de cantonnement des visiteurs.

3/ la capacité psychologique du visiteur : un seuil est dépassé lorsque il n'y a plus accord entre l'image que le visiteur avait du site, ce que le visiteur venait chercher sur le site et ce qu'il éprouve une fois sur place, c'est-à-dire, comme l'exprime Graham Barrow, « au moment où les visiteurs commencent à se sentir « dans la foule » et où leur perception de l'espace commence à être affectée de manière inacceptable. Il s'agit là de la rencontre d'un certain nombre de gens dans un espace donné pendant un certain laps de temps. Par exemple, tout visiteur, lors d'une promenade dans la campagne, peut supporter d'être entouré d'autres marcheurs pendant 5 minutes, mais pas pendant un a près-midi entier » .
Cette perception est bien entendu difficile à cerner, car elle ne sera pas la même pour tout le monde. Des enquêtes fines auprès des visiteurs seront nécessaires.

4/ la capacité ou résistance physique des aménagements: elle correspond au seuil au delà duquel les équipements créés pour faciliter la visite ou canaliser le public atteignent leur point de

saturation (encombrement sur les voies d'accès, parkings complets, toilettes inutilisables). Cela vient du fait qu'un certain nombre de personnes sont réunies simultanément dans un espace donné.
La tenue d'une « main courante » ou un tableau de bord des incidents sont des indicateurs simples à mettre en place. Mais s'agissant d'équipements, les marges d'action sont plus importantes pour les gestionnaires : pour les parkings par exemple, peuvent être envisagées, en fonction du site leur réorganisation pour optimiser l'espace qui leur est dévolu, ou la réduction du nombre de places pour limiter l'accès au site, ou leur extension, en ayant conscience des effets induits quant à l'accroissement du nombre de visiteurs présents en même temps sur le site que cela peut entraîner.



L'exemple d'une plage

« Il est clair qu 'il n'y a pas un seuil unique (à moins d'en établir un au moyen d'une loi) étant donné que les normes diffèrenlt selon les usagers (. .. ) La capacité d'accueil d'une plage touristique dépend de nombreux facteurs :
- les caractéristiques physiques de la zone, son attrait et sa capacité de récupération (Par exemple sa capacité de s'assaillir elle-même)
- la nature des activités (baignade, ski nautique, ou observation) touristiques ou reliées à d'autres secteurs
- les impacts des activités connexes (par exemple, pollution, érosion)
- les niveaux de gestion (nettoyage quotidien)
- les valeurs des usagers.

Il importe d'identifier les valeurs importantes et d'analyser les compromis. Par exemple si les valeurs-clés d'un site sont les occasions qu'il offre d'observer la faune et de communier avec la nature, alors ce site ne pourra tolérer que des niveaux d'utilisation très faibles. Par contre, dans une ville comme Cannes, les niveaux d'utilisation de la plage pourraient être très élevés. »


D'après Edward Manning, Tableau de bord pour un tourisme viable, Ecodécision, op, cit.



5/ la capacité de tolérance des populations locales : celle-ci doit se  juger vis-à-vis des effets de foule dans le site ou à ses abords et des nuisances qu'elles peuvent représenter pour les riverains. Elle doit aussi se juger, plus profondément, au regard de la compatibilité entre les usages touristiques et non touristiques du site : agricoles, pastoraux, pêche, chasse, etc ... de façon à ce que l'activité touristique ne devienne pas une mono-activité exclusive reléguant à la marginalisation l'activité économique qui lui donne son caractère et qui contribue à son attractivité.

On le voit, la réflexion sur ces 5 seuils met en oeuvre à la fois des critères si ce n'est objectifs du moins objectivables, et des critères sensibles et subjectifs. Aucun de ces seuils, pris séparément, ne traduit en soi la capacité d'accueil du site, qui sera une résultante de leur intégration au regard :

- de l'identité du site et du projet qui en découle infléchissant les orientations données à la gestion du site, précisant la valeur relative de la protection et du développement.

- de la mission du gestionnaire, telle qu'elle est formalisée dans le plan de gestion du site, de sa capacité d'intervention et des moyens dont il dispose : a-t-il les pouvoirs de réguler la fréquentation ou de contrôler l'accès au site ? Ses moyens humains lui permettent-ils d'assurer une surveillance du site dans sa totalité un jour de pointe, etc. ?