Introduction


«En fait, qu'est-ce qu'un grand site ? Un grand site, c'est d'abord un site piétiné !»
Odile Marcel, Philosophe, Séminaire de la Pointe du Raz, 11/13 septembre 1997

La Pointe du Raz et sa lande désolée, battue par les vents, défiant le raz de Sein redouté de tous les navigateurs ...

Les Gorges du Tarn et leurs falaises vertigineuses tombant sur une étroite rivière se faufilant entre des défilés abrupts ...

La Dune du Pilat, immensité sableuse faussement rassurante, dans un univers tout en mouvement de sables, de flots et de vent...

... quelques-uns des grands sites emblématiques du territoire français, les trois étoiles des guides touristiques, gravés dans l'esprit de chacun.

Mais il arrive parfois que le visiteur ayant « fait le détour» recommandé, ou venu découvrir de visu ce qui n'était qu'image du livre de géographie de son enfance, soit quelque peu déconcerté. Il aura du mal à vivre intacte l'émotion attendue, noyé dans une foule confrontée comme lui à l'envahissement par les voitures et les panneaux en tout sens, aux chemins d'accès défoncés, à la végétation soumise à rude épreuve, aux détritus jonchant le sol...

Il y a souvent loin du mythe à la réalité.

La forte fréquentation touristique des hauts lieux pose des problèmes croissants aux responsables nationaux et locaux de ces grands sites. La protection de leurs qualités paysagères ou naturelles n'est plus toujours garantie du fait d'une fréquentation de masse et d'une absence de réelle gestion. Les conditions de découverte offertes aux visiteurs sont souvent très insatisfaisantes et peu en résonance avec le prestige des lieux. Enfin, fréquemment situés dans des régions rurales peu peuplées, ces sites prestigieux laissent démunies bien des collectivités locales, généralement non
 

Mais aujourd'hui, le besoin d'une réflexion méthodologique approfondie se fait sentir pour dégager une vision d'ensemble sur le devenir des grands sites. Elle doit mettre l'accent, au delà de leur remise en état paysagère ou écologique, sur les conditions de leur gestion patrimoniale sur le long terme, conciliant préservation environnementale, accueil du public et développement local.

Si nous illustrons volontairement le propos par l'exemple des sites les plus fameux qui accueillent plusieurs centaines de milliers de visiteurs chaque année, de nombreux autres sites de moins grande renommée connaissent, à leur échelle, des problèmes similaires et sont tout aussi concernés par cet ouvrage. Ce n'est ni sa taille, ni un quelconque record de fréquentation qui définit un « grand site », mais c'est une communauté de problèmes liée à la présence dans un site fragile d'un public de visiteurs attiré par sa renommée. Celle-ci peut être universelle, tels « les sites du patrimoine mondial» de l'UNESCO, ou nationale relevant de la politique dite des « grands sites nationaux» ; mais cette renommée peut être également plus locale, attirant un public régional, par exemple à proximité d'une grande ville.

propriétaires des terrains, sans moyens pour en préserver la valeur et encore moins pour en tirer parti. L'attrait qu'exercent ces hauts lieux sur le public ne se dément pas. La massification intense du tourisme expose particulièrement les sites exceptionnels de patrimoine et de paysage dans le monde entier. En effet, la recherche de « nature », dans un contexte d'urbanisation accélérée, le développement de la mobilité et des courts séjours, concentrent sur les lieux phares une pression touristique qui s'accroîtra encore vraisemblablement dans les décennies à venir.

Depuis une quinzaine d'années, des efforts ont été faits pour réhabiliter quelgues grands sites français, notamment sous l'impulsion du ministère de l'Environnement, sous l'appellation de « Politique Grands sites ». La restauration de la Pointe du Raz ou de la Dune du Pilat, par exemple, en sont une traduction concrète.
  Comment accueillir les visiteurs dans ces hauts lieux prestigieux et fragiles sans les aménager trop lourdement ? Comment protéger ces sites tout en les ouvrant à un large public ? Comment en garder la magie ? Quel rôle joue, dans ce processus, la population locale ? Quels moyens humains, financiers, juridiques sont à mettre en oeuvre ?

La 1ère partie de ce document invite les responsables de sites naturels fréquentés à une réflexion sur les enjeux et les problèmes spécifiques de gestion de ces sites.
La 2ème partie explicite la notion de « capacité d'accueil» axe méthodologique central visant à concilier la préservation d'un site et son ouverture au public.
La 3ème partie présente enfin cinq exemples significatifs de réhabilitation et de gestion de grands sites, en France et à l'étranger.