1.2 - L'identité d'un site

L'identité d'un site se conçoit comme l'émanation du « génie » d'un lieu

mise à jour: 01/01/1999

 

Chaque site est unique

La singularité d'un site, au croisement de données objectives et sensibles

Le site, son environnement et ses abords

L'intérêt d'une définition de la « capacité d'accueil »

 


Chaque site est unique

Un postulat de départ mérite d'être clairement posé : chaque « site» constitue une entité singulière et doit être traité comme tel. C'est dire que tout projet d'intervention sur un site (restauration d'un site dégradé, ouverture d'un site au public) doit partir du site lui-même, de son identité, et non pas d'un projet a priori, qu'il soit touristique, éducatif ou récréatif, auquel le site devrait s'adapter.

C'est dire également l'antinomie entre cette unicité et la banalité, la standardisation des équipements d'accueil du public (parkings, bâtiments ... ) qui caractérisent l'aménagement de nombreux sites.

L'identité d'un site se conçoit, au premier abord, comme l'émanation du « génie » d'un lieu, c'est-à-dire de son unicité fondamentale : aucun site ne se réduit à un autre, faute de quoi ce ne serait plus « un site » . Cela implique une grande prudence dans les interventions et les aménagements au regard de la qualité paysagère spécifique de chaque site.
A la différence d'un bâtiment historique ou d'un monument, dont l'usage peut varier mais dont la structure doit être maintenue à l'identique, un site possède une vie propre. Il est le résultat d'une série d'évolutions qui l'ont conduit à un point d'équilibre fragile où sa valeur a été reconnue et son attractivité constatée. Mais cette évolution ne s'arrête pas ; il convient de maintenir, non une apparence, mais la qualité du dialogue un moment établi entre l'histoire et la vie quotidienne, entre le milieu naturel et l'activité humaine.

Le tourisme doit s'appuyer sur cette dynamique ; il ne doit ni figer (dérive du parc à thème), ni dénaturer (infrastructures d'accès et d'accueil disproportionnées) ; il doit conforter une vitalité locale.


La singularité d'un site, au croisement de données objectives et sensibles

Dès lors, quels sont les critères d'analyse de la singularité d'un site ?

- la référence à une évocation littéraire ou historique: mais ne risque-t-elle pas de figer le site par référence à un âge d'or ?

- l'analyse qu'en fait l'homme de l'art, le paysagiste, le géographe, l'architecte-urbaniste ... : mais ne risque-t-elle pas de n'être qu'une image intellectuelle ou une construction technique ?

- « l'appréciation commune » , c'est-à-dire les perceptions subjectives telles qu'elles pourraient ressortir d'enquêtes d'opinions, auprès des visiteurs: mais ne risque-t-elle pas d'amener à faire ressembler le site à la seule perception du plus grand nombre ?

Sans doute est-ce dans la conscience de ces diverses « lectures possibles» d'un même lieu et dans leur confrontation que peuvent s'affirmer les éléments identifiants d'un site. La priorité à donner à l'identité du site, qu'il s'agisse de la préserver ou de la recréer appelle une approche non standardisée, pluridisciplinaire qui rende compte de l'ensemble des facteurs d'identité: histoire du lieu, activités humaines et économiques qui l'ont façonné et le façonnent encore, lignes de force paysagères, qualités écologiques, perception du site par ses habitants permanents, histoire du tourisme dans le site, etc.


Cette analyse ressortit à des facteurs qui peuvent parfois être « objectivés » et parfois non ; elle doit mobiliser à la fois des connaissances scientifiques, historiques, sociales et des qualités faisant appel à l'approche sensible.



Le site, son environnement et ses abords

Un site, on l'a dit, n'est généralement pas un espace enclos.

La réflexion sur son identité amène souvent à le cerner, à le circonscrire, en fonction de ses caractéristiques naturelles (géomorphologIques, paysagères, végétales, etc ... ), ou en fonction de l'expérience plus ou moins consciente du visiteur et de sa sensation d'être « dans le site » ou de ne plus être «dans le site ».

Une telle réflexion ne doit cependant pas isoler le site de son environnement territorial.

Les notions de « zone d'approche » ou « d'abords » sont très importantes :

- du point de vue du paysage, de « l'ambIance » que l'on offrira au visiteur tout au long de son parcours vers le site

- du point de vue du paysage, de « l'ambIance » que l'on offrira au visiteur tout au long de son parcours vers le site

- du point de vue de la stratégie d'intervention sur le site, car tout aménagement sur un site (accès, taille et localisation des stationnements .. . ), aura des répercussions sur son environnement immédiat

- du point de vue aussi du « sens » du site car le resituer dans son environnement territorial et humain, c'est toujours mieux en comprendre l'histoire, la dimension culturelle, les usages

- du point de vue économique et social, car en incluant le fonctionnement d'un site dans la vie du pays environnant, on n'établit pas seulement des relations de continuité entre les paysages, mais aussi entre des activités agricoles, commerciales, touristiques, qui peuvent être facteur de développement local.


 

L'intérêt d'une définition de la « capacité d'accueil »

Une politique de préservation ou de mise en valeur d'un grand site reposant sur son identité, ne peut faire l'économie d'une réflexion sur sa « capacité d'accueil », notion mise en oeuvre avec pragmatisme par les anglosaxons sous le terme de « carrying capacity »

La « capacité d'accueil » se définit comme le point d'équilibre entre l'exigence d'une ouverture au public et l'impératif de conservation des caractères singuliers d'un site. Or, le recours à cette notion est encore inhabituel en France où l'on a tendance à vouloir adapter le site à la demande plutôt que de réfléchir sur la fréquentation maximale que le site peut supporter, sur l'année sur la journée ou en instantané. L'absence de réflexion sur l'existence éventuelle d'une limite induit trop souvent des aménagements lourds par rapport à la fragilité ou la qualité d'un site, et surdimensionnés lorsqu'ils sont conçus pour répondre aux pointes du mois d'Août (les parkings par exemple).

Cette notion de capacité d'accueil est la transposition, dans les lieux ouverts dont il est question ici, d'une idée parfaitement simple et plus facilement acceptée quand il s'agit d'un lieu clos. Dans les monuments et les musées, en effet, une limite de capacité est définie, fondée sur la sécurité des personnes et la protection des oeuvres. Plus récemment, le respect d'une certaine adéquation entre les conditions et l'objet de la visite entre également en ligne de compte, comme en témoigne le contingentement des entrées dans les grandes expositions de peinture, dans les maisons d'artistes, etc ...

De même, une limite de capacité est admise pour les grottes ouvertes au public, pour des motifs de conservation des lieux et de sécurité des visiteurs. Elle se traduira par l'obligation de réserver à l'a vance, par exemple, par des mesures fines de gestion des déplacements des visiteurs dans la grotte.

Ainsi, le Gouffre d'Esparros, dans les Hautes Pyrénées, qui n'accueille que 300 personnes par jour au maximum, a créé un système d'éclairage accompagnant les visiteurs et les obligeant à avancer à un certain rythme, de façon à éviter leur trop grande concentration dans les secteurs fragiles.

Admise pour les lieux clos, la légitimité de la notion est encore contestée dans le cas des sites naturels supposés sans limite d'accueil, et au motif d'un « droit » à l'accès libre à la nature, ou encore de la liberté d'aller et venir. Pourtant la récente recommandation du Conseil de l'Europe relative au tourisme durable dans les zones protégées a clairement posé le principe de la limitation de l'accès aux zones protégées, pour éviter leur dénaturation.
L'apport essentiel de cette réflexion est de poser la question d'une limite souhaitable, c'est-à-dire de la nécessité d'une maîtrise des flux de visite, ce qui s'écarte radicalement de l'idée très répandue selon laquelle il ne saurait y avoir de justification à un contingentement de la visite d'un milieu ouvert.

L'évaluation de la capacité d'accueil d'un site ne repose pas sur des critères uniquement techniques : les conditions de vie de la population permanente ou l'agrément des visiteurs sont des données qualitatives essentielles. D'ailleurs, une capacité d'accueil ne saurait s'apprécier sans une association plus ou moins étroite des habitants et des visiteurs à sa définition.

Comment adapter la notion de « capacité d'accueil » à des grands sites et des paysages, pour lesquels la dimension qualitative, sensible et culturelle est essentielle ?
Comment la mettre en oeuvre concrètement sur le terrain? qu'en attendre ?

Des démarches d'évaluation de la capacité d'accueil des sites naturels et de régulation des flux sont présentées en seconde partie de ce document.