3.3 - La Pointe du Raz - Finistère

mise à jour: 01/01/1999

 

Le site

L'accueil du public et les formes de régulation des flux

L'aménagement du site dans le respect de l'esprit des lieux

La structure et les moyens de gestion

Les retombées économiques et le partenariat local

Conclusion

 

Le site

Située à l'extrémité du Finistère, face au raz de Sein redouté par tous les  navigateurs, la Pointe du Raz se présente à ses visiteurs comme un véritable monument naturel, une haute falaise se terminant en lame rocheuse, accentuant l'impression de « bout du monde ».


Dès le début du siècle, les femmes de la région venaient proposer leurs dentelles aux visiteurs de ce site renommé de Bretagne.  Signe de la vocation touristique précoce du site, 4 hôtels sont construits sur la pointe, détruits peu après durant la seconde guerre.
Dans les années 50 une douzaine de commerces se réinstallent, mais l'administration, dans une volonté d'organisation du site, les regroupe dans un grand bâtiment connu sous le nom de « cité commerciale », doté d'un vaste parking.

Au cours des décennies qui ont suivi, l' accroissement de la fréquentation (1 million de visiteurs par an environ au début des années 90), et une gestion déficiente du site lui ont fait subir une dégradation très importante :
végétation totalement détruite par le piétinement intense, stationnement anarchique, vieillissement des installations commerciales. Les conditions climatiques très difficiles de cette falaise battue par les vents et les embruns, accéléraient le processus de destruction du tapis végétal, le décapage de la terre meuble mettant à nu la roche mère.

Ce constat a amené l'État et les collectivités locales à s'entendre sur une opération assez exemplaire de réhabilitation au titre du programme
« Grand site ».

Celle-ci s'est traduite par :

- la démolition de tous les bâtiments (2 600 m2) et des parkings existant (à l'exception du sémaphore de la Marine nationale et de la statue de Notre Dame des Naufragés) sur la Pointe
- la réimplantation des commerces (à l'exception des 2 hôtels) à 800 mètres en retrait, à l'entrée du site,

- la création d'une « maison de site », destinée à l'accueil et l'information du public sur le site lui même et l'ensemble du Cap Sizun,
- la revégétalisation du site et la création de sentiers permettant de canaliser les visiteurs et d'éviter la destruction des landes et pelouses littorales.

Au travers de cette réhabilitation, dont les démolitions sont l'aspect le plus spectaculaire, c'est une certaine lecture de l'identité du site qui a été privilégiée : l'image d'une Pointe « vierge », exempte de traces humaines, « rendue à la nature », magmfiée dans sa rudesse.

Caractères généraux

- situé SUI les communes de Plogoff et Cléden-Cap Sizun, Finistère
- caractères physiques : site caractéristique de landes sm falaise
- fréquentation: 1 million de visiteurs par an.
- statut de protection
- classé au titre des sites en 1958, pour 72 ha
- en 1987, extension du périmètre de classement à la Baie de Trépassés, et à la Pointe du Van (200 ha)
- statut foncier. Ancien parcellaire très morcelé, en « lames de parquet » (300 propriétaires environ), racheté, après expropriation, par le Conservatoire du Littoral en 1991 et par le Département du Finistère (TDENS) pour 100 ha à la Baie des Trépassés et la Pointe du Van
Situé en zone de protection de la Loi Littoral.
Dates clés de l'histoire du site

  • 1962 : les marchands sont regroupés dans une « cité commerciale »
  • 1981 : abandon du projet de centrale nucléaire de Plogoff
  • 1989 : inscrit au programme « Grand site » par le ministère de l'Environnement. Extension du périmètre de classement
  • 1991 : protocole d'accord entre l'État, les collectivités locales et les partenaires du projet, sur les objectifs et les moyens de l'opération
  • 1995-96 : démolition des anciens parkings et bâtiments
  • 1996 : ouverture au public du nouvel espace d'accueil



L'accueil du public et les formes de régulation des flux

Les conditions de la visite du site ont été largement améliorées: paysage réhabilité, sentiers et signalétique particulièrement soignés, commerces installés dans des locaux agréables et modernisés, maison du site proposant information et expositions, visites guidées, présence de personnel d'accueil.

Cependant, cette opération n'a pas véritablement fait l'objet d'une réflexion en terme de « capacité d'accueil » du site. Le nombre de places de stationnement n'a pas été diminué ; la demande en stationnement s'est même accrue du fait de l'allongement de la durée de la visite, engendrée par l'éloignement du parking par rapport à l'extrémité de la Pointe, et par l'attractivité de l'accueil et des services offerts.

En revanche, le recul de la « porte d'entrée du site » (parking, accueil des visiteurs) a accru l'espace d'évolution des visiteurs ainsi que le linéaire de sentiers, réduisant la concentration antérieure des visiteurs à l'extrémité de la Pointe.

De par l'organisation délibérée du site, les visiteurs sont fortement incités à emprunter le sentier sud d'accès à la Pointe, moins fragile ; de fait c'est celui qui est le plus fréquenté. Le sentier d'accès par le nord, qui réserve des vues superbes sur la Pointe du Van, reste volontairement plus confidentiel ; il est emprunté par quelques « découvreurs » qui aiment à sortir des « sentiers battus ».
 

Budget de l'Opération Grand site Pointe du Raz = 65,40 MF (dont acquisitions foncières : 15 MF)


Europe                                  6 MF
État                                     14,90 MF
Région Bretagne                   8,60 MF
Département du Finistère   14,30 MF
Conservatoire du Littoral    13 MF
Mécénat                                8,60 MF

 



Un des symboles de cette opération «grand site» : la démolition des 2 600 m2 de la cité commerciale construite dans les années soixante au boult de la pointe.

Les « cicatrices » sont aujourd'hui pratiquement résorbés. © Marc Rappillard



L'aménagement du site dans le respect de l'esprit des lieux

La qualité très remarquable de la conception et de la réalisation des aménagements extérieurs, notamment des parkings et des sentiers, font de l'opération Grand site de la Pointe du Raz une référence en la matière.

Les parkings (14) :

L'objectif de l'aménagement n'a pas été de créer une structure paysagère pour un camouflage illusoire des parkings, mais de transcrire au mieux une continuité d'éléments naturels comme facteur d'équilibre du paysage afin de limiter les sensations d'artificialisation du site. Pour cela, la conception s'est attachée :

- à adapter le tracé des parkings afin de restituer les formes du parcellaire traditionnel

- à réutiliser certains éléments typologiques du site tels murets, murs/talus, éléments discrets qui, par leur caractère structurel autonome, se comportent comme des permanences dans le paysage

- à utiliser deux matériaux, la pierre comme élément construit et la lande comme élément végétal, pour relier tout cet ensemble

- au choix volontaire d'utiliser les matériaux du site pour réaliser l'ensemble des travaux en recyclant au maximum les matériaux présents sur site afin de minimiser les apports extérieurs et de permettre une démarche « écologique » dans le respect des éléments de composition du site.

Les terrassements ont été réalisés de façon à se caler au plus près des courbes de niveau du terrain naturel. Il s'agissait, sur un terrain pentu, de modeler des plates-formes terrasses et de réaliser des murets-talus, ce jeu de niveau successifs et de murets/talus permettant de dissimuler les véhicules depuis la cité commerciale sans pour autant masquer les vues sur le paysage maritime, et de cloisonner les parkings.

La technique de mise en oeuvre des murets, de type « pierres sèches » dans l'esprit des murets traditionnels (voir les enclos et chemins du Cap Sizun), s'est avérée perdue dans les habitudes de réalisation des entreprises. Un très important travail de relation avec les maçons a été nécessaire, afin d'obtenir tant dans la configuration générale que dans la sta bilisation des ouvrages (qualité des matériaux de remplissage et des parements, insertion de tranchées drainantes, ou caniveau double, dévers en pierres, etc ... ).

La réutilisation et le recyclage des matériaux du site : un des points forts de la réalisation des parkings

Les parkings comptent 800 places, implantés sur 3 ha environ, associés à 2,8 km de murets.
De très importants travaux de terrassement ont été nécessaires, la manipulation tous matériaux confondus avoisinant les 26000 m'. Les terrassements se sont calés au plus près des courbes de niveaux
  • récupération, triage et stockage des pierres des anciens murets parcellaires restants sur le site
  • récupération des pierres (provenant des murets parcellaires) ayant servi à la structure de chaussées établies par les allemands lors de la guerre (découvert lors des terrassements)
  • récupération des matériaux de structure de l'ancien parking pour la confection, entre autre, des fondations et des structures des nouveaux muretsltalus
  • recyclage des matériaux entreposés lors de la réalisation de la Maison du site et des commerces
  • mise en place d'un concasseur sur le chantier pour le recyclage et la confection d'environ 10000 m' de pierres concassées en différenciant leur granulométrie en fonction de leur usage final (0/30, 20/40, 40/70).

Les coûts de réalisation des parkings s'établissent ainsi :

  • terrassements, caussées, infrastructures : 2 222 000 F HT
  • aménagements paysagers propres : 1 370 000 F HT
  • soit environ 120 F HT le M' (hors stfllctures bâties du péage et signalétique)

Concernant les revêtement de sols, il a été établi une hiérarchie suivant les fréquences saisonnières d'utilisation des parkings, tout en conservant la sensation que l'on se trouve bien à la porte d'un site naturel :

- surfaçage en émulsion gravillonnée de couleur ocre pour le parking permanent avec accueil des cars et des camping cars en partie basse pour minimiser l'impact

- association de deux structures, surfaçage en émulsion gravillonnée pour les circulations et structure terre/pierre, pour le stationnement puis ensemencement hydraulique
- structure entièrement faite en terre/pierre pour le parking ouvert en période de pointe

La matérialisation des emplacements sur les parkings enherbés a été faite par la mise en place d'un système de cordage synthétique fiché au sol.

Les cheminements :

Le tracé des différents cheminements a fait l'objet d'une étude particulière  sous forme de représentation graphique suite à une analyse paysagère fine, d'une retranscription sur site de ces tracés par piquetage précis pour prendre en compte tous les éléments (topographie, qualité de la végétation existante, impact du projet dans le site sous différents angles). Une étude technique détaillée de faisabilité sur l'utilisation des matériaux provenant du site et correspondant à une intégration maximale a été réalisée dès les premières propositions du parti d'aménagement des cheminements.

La revégétalisation de la Pointe (15) :

Les dégradations intenses des pelouses et landes sur l'extrémité des deux pointes, du Raz et du Van, concernent une superficie de 8 hectares. Toute tentative de réhabilitation du site passait nécessairement par une intervention active, et encore largement expérimentale, en raison de la rareté des données scientifiques et techniques en la matière. Les méthodes de réhabilitation faisant uniquement appel à des apports de terre ou à l'introduction d'espèces végétales non spontanées ont été écartées (quantité trop importantes, risques de pollution biologique). Les interventions ont été définies sur la base de cahier des charges techniques très exigeant du point de vue de l'authenticité et de l'intégration des interventions envisagées. Elles ont permis de tester les techniques et procédés suivants :

- dispositifs de canalisation de la fréquentation : clôture de fil métalliques de hauteurs
différentes, clôtures bois

- revégétalisation spontanée : évolution naturelle de la végétation sur des secteurs mis en défens

- ensemencements hydrauliques : épandage d'un mélange graines + eau + fixateur + produits de germination et de fertilisation

- broyant : épandage du produit d'un broyat de lande haute et moyenne

- transplants de mottes : prélèvement de mottes de lande en milieu sain et remise en place en secteur dégradé. Les suivis scientifiques de ces techniques sont encore en cours.
 

Un suivi très fin de la mise en oeuvre des aménagements

Aboutir à une telle qualité des aménagements réalisés a notamment supposé :
  • la coopération de professionnels de compétences pluridisciplinaires, dans la durée, dès l'amont tout au long des études de conception et en phase de réalisation : architectes, paysagiste,botanistes, écologues etc...
  • des expérimentations de terrain
  • la présence constante des concepteurs en phase chantier, permettant d'ajuster en permanence le projet au terrain, de guider les entreprises dans la mise en oeuvre de techniques qu'elles n'avaient pas ou plus l'habitude de réaliser.


La structure et les moyens de gestion


Autrefois non véritablement géré, le site est aujourd'hui doté d'une instance de gestion : le syndicat mixte pour l'aménagement et la protection de la Pointe du Raz et du Cap Sizun.
Les ressources de gestion du site proviennent pour 95 % des recettes de parking.

Une avancée importante est à mentionner quand on connaît les antagonismes qui ont longtemps divisé les deux communes : le site est géré dans sa globalité « Pointe du Raz, Baie des Trépassés, Pointe du Van », c'est-à-dire s'étendant sur les deux communes de Plogoff et de Cléden, avec les recettes de parking prélevées à la seule Pointe du Raz.

La Pointe du Raz dispose aujourd'hui de moyens de fonctionnement et de gestion, d'une structure pérenne. On notera que les commerçants sont associés avec voix consultative à la gestion du site. Mais, bien que largement bénéficiaires de l'opération, les 14 commerçants présents ne participent ni financièrement ni en nature à la gestion du site.

Composition du syndicat mixte

Sont membres du syndicat mixte :
  • les communes de Plogoff et Cleden-Cap Sizun
  • SIVOM du Cap Sizun
  • Conseil général du Finistère

Sont membres avec voix consultative :

  • le Préfet
  • le Conservatoire du Littoral
  • la CCI de Quimper
  • l'Association Tourisme en Cap Sizun
  • l'Association des commerçants de la Pointe du Raz
  • le CDT
  • les mécènes
  •  

 

Dépenses de
fonctionnement
Recettes de
fonctionnement
personnel
 
826 KF parking 2349KF
entretien site
bâtiments etc
navette
promotion, info
200 KF

540 KF
170 KF
guidage
diaporama

 
25 KF
34 KF

 
intérêt emprunts 95 KF revenus
immeubles
et produits
except.
13 KF
taxes + divers 420 KF TOTAL 2421 KF
redevance
Plogoff*
750 KF recettes
propes
 
TOTAL 3001 KF   Subventions 104 KF



Les retombées économiques et le partenariat local

Les commerçants présents sur le site sont les premiers à reconnaître l'impact positif de la réhabilitation sur leur activité et leur chiffre d'affaire.

Les retombées de l'opération à l'échelle du Cap Sizun si elles existent certainement sont plus difficiles à cerner. Elles ont pourtant été au coeur du projet et ce dès l'origine : l'objectif étant de faire de la Pointe du Raz « la porte d'entrée sur le Cap Sizun ».
La maison du site s'attache d'ailleurs à faire la promotion du Cap Sizun dan a globalité et à inciter les visiteurs à séjourner et à découvrir le autre richesse de la région. Cependant une grande partie des mesures d accompagnement prévues à l'opération grand site pour le Cap Sizun reste encore à définir con rètement et à mettre en oeuvre. Seul le bouclage des sentiers côtiers est réalisé.


Conclusion

L'Opération grand site de la Pointe du Raz est exemplaire à plus d'un titre : ampleur des dégradations, importance des moyens de remise en état du site, caractère spectaculaire des démolitions, prise de conscience «de ce que gérer un site naturel veut dire»

Elle devrait inciter également à la modestie dans les interventions sur les grands sites et pose plus que tout autre la question de la réversibilité des aménagements. N'oublions pas que l'OGS des années 90 a été précédée dans les années 60 par une première opération de réorganisation du site elle aussi d'envergure pour l'époque ; elle
avait abouti à la création des parkings et du regroupement de commerce au sein de la « cité commerciale », ceux-là même qu'il s'est avéré prioritaire de détruire en 1995...

Les nouveaux aménagements subiront-ils le même sort dans quelques décennies ? Reste que l'intervention actuellement en cours comporte on l'a vu, un important volet de reconstitution du paysage de landes et de pelouses littorales. S'il réussit, il marquera l'histoire du site et, au delà, l'histoire des techniques de reconstitution végétale et écologique.