1.3 - L'accueil des visiteurs et la régulation des flux

Un site reste « sauvage » dans l'esprit de ses visiteurs très longtemps après avoir été largement remodelé par une forte présence humaine ou la sophistication d'un dispositif d'accueil ; l'exemple de la Pointe du Raz le montre bien.

mise à jour: 01/01/1999

 

Accueillir la foule

L'image du site influe sur son mode de fréquentation

L'apport de l'interprétation

 

Accueillir la foule

Les sites sont très fréquentés parce que, au moins au départ, ils sont la manifestation d'un phénomène de culture de première importance, un besoin de confrontation avec des lieux particulièrement significatifs sur le plan de l'histoire, de la géographie ou des sciences de la nature. Par leur force symbolique, les grands sites occupent une place particulière dans l'inconscient collectif, si l'on reconnaît que leur fréquentation n'est pas seulement une rencontre entre un lieu et un individu, mais participe également de la célébration collective d'une réaffirmation identitaire (2).

L'analyse du sociologue

" Qu'est-ce qu'aller voir un grand site ? Ou, plus précisément, qu'est-ce que s'y transporter avec son corps quand, par toute sorte d'images répandues à profusion, il est déjà bien possible d'en avoir connaissance ? La connaissance qui en serait attendue serait donc complètement inédite : une connaissance par les sens (...). Dans les temps plus anciens, cette frénésie du parcours, avec ses pieds et avec son corps, a eu ses heures de gloire : c'était pèleriner (...). Les grands sites naturels, comme le pluriel l'indique, sont impensables hors d'une organisation en série. Chacun est un exemple d'une catégorie générique : La Baie, La Montagne, La Gorge ... (...) Une diversité qui désigne une unité, la « variété des paysages du beau pays de France ", comme disaient les livres de géographie autrefois. Ainsi fonctionnent aussi les grands sites naturels (...) Ils ont donc une histoire ... »

André Micoud, Intervention au Colloque Tourisme et environnement, La Rochelle, 13 et 14 mai 1991


L'accès aux grands sites ne doit pas être réservé aux seuls privilégiés de la fortune ou à une élite du savoir, mais bien au contraire répondre à cette demande sociale.

Il s'agit là, avec la primauté à donner à l'identité du site dans toute démarche de mise en valeur, d'un second postulat fondamental à souligner.
Les gestionnaires sont confrontés à un double défi. D'une part accueillir un large public, d'autre part, préserver la valeur patrimoniale, culturelle et éducative des lieux. Or celle-ci peut disparaître si l'affluence simultanée de visiteurs est trop forte et si la consistance elle-même du site est physiquement ou économiquement menacée par la fréquentation ou les aménagements réalisés pour y faire face.

Une des alternatives au sur-aménagement des sites, réside dans la recherche d'une meilleure maîtrise des flux, visant à limiter le nombre de visiteurs présents au même moment dans le site, c' est-à-dire visant à « lisser » les pointes annuelles et journalières de fréquentation.

Comment faire accepter la légitimité d'une limite dans la capacité d'accueil d'un Grand site ? Sur quels critères « doser » la foule dans un village de caractère ou sur un sentier de découverte d'un site naturel ? Et pourtant, il est impossible (ou démagogique) de prétendre accueillir tout le monde, au même endroit, au même instant.

 

L'image du site influe sur son mode de fréquentation

L'action sur l'image d'un site est un enjeu tout à fait important pour sa gestion. On peut estimer que l'importance numérique des visites et l'état d'esprit avec lequel les visiteurs aborderont la visite d'un site sont fonction pour près de 70 % de l'image de ce dernier dans l'opinion des visiteurs potentiels, et pour 30 % à peine du « produit » objectif proprement dit, dans sa consistance matérielle. Un site reste « sauvage » dans l'esprit de ses visiteurs très longtemps après avoir été largement remodelé par une forte présence humaine ou la sophistication d'un dispositif d'accueil; l'exemple de la Pointe du Raz le montre bien. Ainsi, on a constaté que l'importance quantitative de la fréquentation était en raison inverse de la complexité de l'image d'un lieu. Plus le site est univoque dans l'esprit du public (la « muraille pyrénéenne de Gavarnie» ) plus dense et compacte y sera la foule ; si l'on parvient à enrichir cette vision, à la doubler d'un autre message de force égale (« le trait d'union millénaire entre les populations des versants français et espagnols ») plus le public se diversifiera et élargira son champ d'investigation.

A ce propos, il faut reconnaître que très peu de sites, jusqu'à présent, ont mis en place les outils d'une connaissance fine de leur public, de ses activités sur le site, de ses perceptions, de ses attentes ; il s'agit là d'un impératif pour toute réflexion sur l'accueil du public et la gestion des flux.


L'apport de l'interprétation

La réflexion sur l'accueil du public dans les sites naturels a progressé durant la dernière décennie, notamment par la diffusion en France des apports de « l'interprétation ». Par cette approche, d'origine anglo-saxonne là encore, il s'agit de toucher le visiteur des espaces naturels (mais aussi culturels) par l'évocation du sens du site, en suscitant la curiosité, l'expérience personnelle, plutôt que par l'accumulation de faits et chiffres, le visiteur étant ainsi invité à participer à la vie d'un lieu. 

Il s'agit de laisser au visiteur la possibilité d'accomplir sa propre
découverte, mobilisant non seulement ses capacités cognitives, mais également ses sens, son émotion ou son imaginaire, en évitant le didactisme excessif (3).

Cependant, l'interprétation comme toute méthode doit être utilisée avec prudence et l'amélioration des techniques ne doit pas être mise à profit pour envahir et banaliser l'espace visuel, au détriment de l'émotion suscitée par le paysage. Là encore, les interventions doivent être finement adaptées aux caractéristiques du site, à son unicité.