1.1 - Qu'est-ce que les grands sites ?

mise à jour: 01/01/1999

 

Opérations Grands Sites

Les grands sites sont des sites à caractère essentiellement naturel de grande notoriété, socialement consacrés, cette reconnaissance sociale se traduisant par une forte fréquentation.
Ils sont d'étendue variable, mais ce sont plutôt des espaces circonscrits que de très grands paysages, sauf exception, comme les Gorges du Tarn ou du Verdon, par exemple. Ils peuvent être topographiquement cernés. Leurs limites sont parfois évidentes, mais parfois aussi beaucoup plus ténues.

La loi qui, depuis plus d'un demi-siècle en France, organise la protection des plus prestigieux d'entre eux (loi du 2 mai 1930) en donne une définition parlante : elle vise en effet la protection "des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque". Cette définition souligne bien que ces sites sont souvent également porteurs d'une valeur culturelle ou historique : théâtre d'événements particuliers, comme les plages du Débarquement par exemple ; sites investis symboliquement, comme la forêt de Brocéliande, marquée de la légende arthurienne ; sites immortalisés au plan artistique et littéraire, comme la montagne Sainte Victoire. Enfin, leur consécration sociale peut également être liée à leur histoire touristique elle-même, c'est-à-dire à l'histoire de leur "découverte" à l'époque de la naissance de l'excursionnisme, comme la Mer de Glace à Chamonix, les Gorges du Tarn,
le Puy de Dôme ou le Cirque de Gavarnie.

Spectaculaires ou intimistes, ces sites naturels peuvent inclure des vestiges archéologiques (La Vallée des Merveilles), des monuments (Le Pont du Gard), ou encore des villages (Rocamadour, Conques). Parce qu'ils posent des problèmes spécifiques, les villages liés à un grand site ne seront pas traités dans le présent ouvrage (1).

Ces sites ont en commun d'être soumis à une fréquentation touristique dont le chiffre dépasse de très loin, en saison, celui de la population de proximité, entraînant un déséquilibre entre habitants permanents, résidents saisonniers et touristes de passage. Si certains sont situés dans des régions excentrées, à l'économie rurale fragile, les sites proches de régions fortement urbanisées (les Ballons des Vosges, les Caps BlancNez et Gris-Nez, le Vercors, la Forêt de Fontainebleau par exemple), sont soumis à des pressions particulièrement fortes tout au long de l'année.

Evaluation de la fréquentation de quelques hauts lieux en 1996

visiteurs

Mont Saint Michel                           2 500 000
Dune du Pilat                                  1 400 000
Pont du Gard                                  1 200 000
Falaises d'Etretat                            1 200 000
Mer de Glace                                  1 000 000
Pointe du Raz                                 1 000 000
Vezelay                                          1 000 000
Puy Mary                                          500 000
Saint Guilhem le Désert                     400 000

Source : Observation National du Tourisme. « La fréquentation des lieux culturels et non culturels en France métropolitaine », 1997

La protection des sites en France

Le classement des sites au titre de la  loi du 2 mai 1930 est, depuis près de 70 ans, l'outil par excellence de protection des grands sites.
Héritière de la loi de 1906 sur les sites et les monuments naturels de caractère artistique et inspirée de l'esprit de la loi de protection des monuments historiques de 1913, la loi de 1930 concerne les sites naturels comme les sites bâtis, quelle qu'en soit l'étendue.
Elle propose deux niveaux de protection :
- le classement qui vise au maintien du site dans l'état et soumet tous travaux à l'autorisation du ministre en charge des sites ou du préfet
- l'inscription, qui impose de présenter une déclaration préalable pour tout projet de travaux.
Il faut noter que ces dispositions, à caractère réglementaire, ne créent ni structures ni moyens de gestion spécifiques aux sites. Cependant la rédaction de documents d'orientation ou la création d'organismes de concertation et d'intervention sont souvent recherchés à l'occasion du classement des sites les plus sensibles et dans des sites déjà classés.
On dénombre, en 1997, environ 2 700 sites classés et plus de 5 000 sites inscrits.

La loi de 1960 créant les parcs nationaux est venue utilement compléter la loi de 1930. Concernant de vastes espaces dont le milieu naturel présente un intérêt majeur, la création d'un parc est un puissant outil de protection des paysages et des sites inclus dans sa zone centrale. Chaque parc est géré par un établissement public administratif disposant d'une équipe technique de proximité. Il existe aujourd'hui 7 parcs nationaux : 4 en haute montagne (Vanoise, Ecrins, Mercantour, Pyrénées), 1 sur une île incluant un territoire maritime (Port-Cros), 1 en moyenne montagne avec une activité économique traditionnelle (les Cévennes) et 1 en outre-mer (Guadeloupe).

Instituée par les lois de décentralisation de 1983, élargie au domaine paysager par la loi du 8 janvier 1993, dite "loi paysage", la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), peut constituer un outil de protection intéressant pour certains paysages remarquables.
La ZPPAUP "peut être instituée autour des monuments historiques et dans les quartiers, sites et espaces à protéger ou à mettre en valeur pour des motifs d'ordre esthétique, historique ou culturel". Elle est établie au terme d'une étude approfondie du patrimoine débouchant sur une réglementation finement adaptée au site. L'État et la commune sont partenaires dans l'élaboration de la ZPPAUP qui est in fine instituée par arrêté préfectoral.

Enfin, la protection d'espaces remarquables peut passer par leur maîtrise foncière par des collectivités ou des établissements dont c'est la vocation.
Les acquisitions des Départements au titre des espaces sensibles, celles du Conservatoire du littoral et des Conservatoires régionaux des espaces naturels (voir encart p. 23) permettent la préservation de nom breux sites et paysages sur le territoire français.

 

Il s'agit très généralement de sites " ouverts" où l'accès est, par nature, difficilement contrôlable. Leur statut foncier est divers : parfois propriétés communales ou publiques, ils sont le plus souvent constitués de terrains privés, morcelés entre de multiples propriétaires. Pour cette raison, ils bénéficient rarement de structures de gestion spécifiques, ce qui représente une carence considérable eu égard à leur prestige et aux problèmes de conservation et de mise en valeur posés par leur forte fréquentation : les seuls "gestionnaires" sont de fait les propriétaires privés et les communes dans le cadre des pouvoirs de police du maire.

L'ensemble de ces caractéristiques impliquent une philosophie d'intervention particulière et des modalités spécifiques d'aménagement et de gestion.
L'expérience acquise dans d' autres types d'espaces naturels (milieux écologiques sensibles ou biotopes rares mais inconnus du public et protégés par leur anonymat), ou d'autres sites culturels (monuments ou musées, quartiers historiques ... ) est porteuse d'enseignements ou de méthodes parfois transposables. Mais une réflexion particulière s'impose pour les grands sites naturels.

Cinq thèmes majeurs de réflexion se dégagent :

-l'identité d'un site : comment définir l'identité d'un site ? comment évaluer le nombre de visiteurs qu'il peut accueillir ? comment le préserver tout en accueillant un large public ?

-l'accueil du public et les formes de régulation des flux  : au nom de quoi limiter l'accès à un site ? comment en réguler concrètement l'accès ? comment y accueillir la foule sans aménager trop lourdement les lieux ?

-l'aménagement d'un site dans le respect de l'esprit des lieux : comment, le cas échéant, l'aménager en fonction de son identité ? comment assurer une qualité des interventions au regard du paysage et de l'identité constitutive du site ? quelle réversibilité des aménagements ?

-les structures et les moyens de gestion d'un site : que veut dire concrètement "gérer" un grand site naturel ? quels moyens, humains, juridiques et financiers cela suppose-t-il ? comment générer les moyens de la gestion ? quelles actions, quelles innovations dans le domaine foncier ? quels en sont les acteurs ?

-les retombées économiques et le partenariat local : comment évaluer l'impact social et économique d'un grand site ? comment faire de la fréquentation d'un grand site un atout pour l'économie et la société locale ?


Opérations Grands Sites

Les Opérations Grands Sites (OGS) du ministère de l'Environnement

Une OGS est une démarche originale et pragmatique que propose le ministère de l'Environnement en réponse au problème de dégradation d'un site majeur au plan national.
Pensée par la DATAR dès 1970, relancée en 1989, cette politique repose sur un partenariat fort avec les élus locaux avec un triple objectif :

  • restaurer et assurer de manière pérenne les équilibres physiques et la qualité paysagère du site,
  • définir une politique d'entretien et de gestion reposant sur une structure responsable de la mise en oeuvre d'actions de remise en valeur du site et de son animation,
  • permettre que les mesures adoptées bénéficient au développement local des communes supports de ces opérations.

Depuis la relance de cette politique en 1989, l'État a cofinancé au titre des OGS une vingtaine d'opérations, avec une participation financière moyenne de l'État se situant entre 2 et 5 MF par opération.

Une Opération Grand Site ne revêt aucun caractère juridique. Toutefois, pour pouvoir bénéficier d'une telle démarche, un site doit réunir certaines conditions préalables :

  • être un site classé,
  • être un espace d'intérêt national, c'est-à-dire un paysage remarquable, symbolique ou d'une portée culturelle largement reconnue,
  • connaître des périodes de fréquentation excessive au point de perdre les qualités esthétiques, naturelles ou culturelles qui sont à l'origine de sa réputation,
  • faire l'objet d'une volonté de réhabilitation et de gestion pérenne, soutenue par un large consensus au niveau local.