1.4 - L'aménagement d'un site dans le respect de l'esprit des lieux

La première « empreinte » du tourisme sur les sites s'est traduite le plus souvent par la construction de routes et de parkings.

mise à jour: 01/01/1999

 

La gestion, préalablement à l'aménagement

L'intérêt d'une charte d'objectifs et de moyens

La qualité du projet, de sa conception à son exécution

Privilégier la réversibilité des aménagements

 

La gestion, préalablement à l'aménagement

Rappelons un principe important quand il s'agit de sites à dominante naturelle : l'aménagement se doit d'être limité et très finement adapté aux caractéristiques propres du site. Limiter l'aménagement, c'est bien souvent d'abord rechercher des solutions aux problèmes qui se posent par des mesures de bonne gestion avant de s'engager dans des équipements lourds, coûteux, difficilement réversibles.

Il s'avère souvent facile de réaliser un grand parking à l'entrée d'un site, pouvant répondre aux pics de fréquentation : l'expérience montre que l'on trouvera toujours de l'argent pour le financer et des responsables heureux de l'inaugurer.
En revanche, il est plus difficile de mettre en place des modes alternatifs d'accès et des systèmes d'étalement des pointes, de trouver les financements permettant d'embaucher des jeunes l'été pour informer et guider les automobilistes de façon à gérer plus finement les besoins en stationnement.

Pourtant, c'est bien dans la gestion que l'on peut trouver les moyens de ne pas surdimensionner des équipements.



L'intérêt d'une charte d'objectifs et de moyens

Toute intervention dans un grand site est délicate, tant du point de vue technique que « politique » : on est en effet dans des sites protégés, soumis à des réglementations strictes (sites classés, parcs nationaux, etc ... ), où les aménagements sont généralement proscrits, sauf à répondre à des impératifs très précis et être entourés de garanties solides.


L'ouverture au public d'un site, sa réhabilitation lorsqu'il est dégradé ou lorsque les équipements d'accueil sont vétustes, seront soumises à des autorisations survenant à différentes étapes du projet, et mobiliseront des sources de financements multiples.
Ces opérations sont longues et supposeront l'existence d'un consensus entre des partenaires différents. Il s'établira de façon progressive, au fil de l'élaboration du projet : services de l'État à l'échelon central et déconcentré, associations de protection, collectivités, populations locales, etc ...
C'est pourquoi l'instauration d'une concertation très en amont, d'un travail en commun tout au long de l'élaboration d'un projet de réhabilitation est ici particulièrement indispensable.

Une bonne manière de concrétiser ce nécessaire consensus est de parvenir à une « charte d'objectifs et de moyens », commune aux partenaires du projet. Établie préalablement à l'intervention, elle traite des objectifs fixés pour le grand site et précise les moyens conjointement en termes d'aménagement et de gestion. Elle n'est pas figée, car tout projet évolue entre le moment où il est conçu et réalisé ; la charte prévoit les modalités de suivi du projet puis de son évaluation. Là où une charte a été établie, à la Pointe du Raz par exemple, elle a été la référence commune, la « balise » permettant aux partenaires de « garder le cap » du projet dans la longue durée.
   

 

 

 

La qualité du projet, de sa conception à son exécution

L'intervention dans un site ou dans ses abords réclame, de la part des concepteurs, des qualités particulières. La capacité à penser le dialogue du bâti avec le site, dans son implantation, son volume, sa forme, doit ici primer, en règle générale, sur la réalisation du « grand geste » architectural. Les aménagements extérieurs, comme les sentiers, les aires de stationnement, la signalétique, mis en oeuvre dans des milieux difficiles au plan climatique ou du relief, réclament des savoir-faire particuliers, voire une certaine humilité, auxquels tous les maîtres d'oeuvre ne sont pas obligatoirement formés ou préparés. Elle gagnera à l'intervention conjuguée de paysagistes et d'architectes. Une attention particulière sera apportée au choix des matériaux, en privilégiant, lorsque cela est possible, ceux qui sont issus du site lui-même.

L'intervention des paysagistes et des architectes doit pouvoir être maintenue dans la durée. L'expérience montre en effet qu'une bonne part de la qualité des réalisations dans les sites sensibles réside dans la capacité du maître d'oeuvre à intervenir jusqu'à la phase de chantier, à veiller aux détails de mise en oeuvre des matériaux, à affiner les détails d'exécution en fonction du terrain.


Privilégier la réversibilité des aménagements

Chaque époque laisse dans un site une empreinte plus ou moins profonde. Une réponse adaptée à la majesté et à une certaine éternité d'un site par rapport au caractère « accidentel » ou évolutif de ses modes de visites et des équipements qui les accompagnent, peut consister en une réversibilité fondamentale des aménagements réalisés.

A la Pointe du Raz, le dispositif de visite mis en place au sortir de la seconde guerre mondiale, c'est-à-dire la route d'accès et le parking, ainsi que la « cité commerciale » à l'extrémité de la Pointe, n'aura finalement duré qu'une cinquantaine d'années. Mais la récente démolition de ces constructions, dans le cadre de la réhabilitation d'ensemble du site, aura tout de même nécessité un montant de travaux non négligeable et laissé des marques dans le site.

La première « empreinte » du tourisme sur les sites s'est traduite le plus souvent par la construction de routes et de parkings. Ne faut-il pas rechercher des solutions alternatives à la création de nouveaux ouvrages ou à l'extension des ouvrages existants ? Une ancienne route, comme celle des Gorges du Tarn par exemple, avec son profil sinueux et étroit, ses successions de tunnels creusés de main d'homme au début du siècle, participe totalement de l'identité du site ; celle-ci serait irrémédiablement atteinte par son élargissement et sa « mise aux normes » ; des solutions alternatives (circuits à sens unique durant les quelques jours d'engorgement estival par exemple) seraient à rechercher.

Autre exemple, au Pont d'Espagne, un téléporté permettant d'amener les visiteurs dans le si te a été préféré au réaménagement de la route d'origine, au motif de la révers ibil ité aisée de l'engin, qui, une fois démonté, ne laissera aucune trace de son implantation.

Il faudrait désormais s'orienter vers des conceptions d'aménagements qui, faisant usage du principe de précaution, respecteraient scrupuleusemenr l' intégrité du site, ne faisantm que « se poser » sur un site pour une durée factalement limitée, perturbant le moins possible le fonctionnement de ses écosystèmes et les activités humaines permanentes. Une telle conception ne saurait exclure une grande qualité architecturale des dispositifs d'accueil, en lien avec l'identité du site.

Cette réversibilité de l'aménagement peut également prendre un caractère saisonnier, à l'image de la fréquenration touristique : ainsi à la Dune du Pilat, l'escalier de bois qui donne accès au sommet est-il entièrement démontable, disparaissant totalement du paysage en fin de saison.

Là encore, cela n'enlève rien à la qualité et à l'esthétique du dispositif, mais lui confère un statut éphémère, voire « fragile ", qui renforce le caractère grandiose du site lui-même.