Par « capacité d'accueil » d'un grand site, nous entendons ici le niveau de fréquentation touristique qu'un site naturel peut supporter sans que ses qualités ne se détériorent, sans que les populations locales soient submergées, sans que la qualité de la visite soit anéantie.
Elle est un outil empirique particulièrement adapté aux besoins des gestionnaires des grands sites naturels renommés qui s'interrogent sur les moyens de maintenir un équilibre entre conservation du site et large ouverture au public, deux objectifs indissociables de la mission des responsables de grands sites en France.
Elle vise à s'interroger de façon pragmatique (6) : - sur le nombre de visiteurs que le site peut accueillir, dans un état donné, sans mettre en péril sa viabilité à long terme - sur le seuil à ne pas dépasser sans précautions supplémentaires de la part du gestionnaire - sur la manière d'accueillir les visiteurs afin de réduire les impacts sur le site, afin de mieux répartir la fréquentation dans le temps ou dans l'espace, ou afin de mieux absorber les pics de fréquentation
A quels signes peut-on dire que la capacité d'accueil d'un site est dépassée et que les conditions de gestion de la fréquentation ne sont plus adaptées ? (7) :
- « lorsque le patrimoine est atteint : érosion, destruction de la végétation, tassement des sols, disparition d'espèces végétales ou faunistiques ... Les visiteurs ont endommagé le site au delà de ses capacités de restauration propres - lorsque les équilibres sociaux sont remis en cause : les habitants ne vivant pas directement du tourisme sont mécontents, ils n'apprécient pas de se faire bousculer par les visiteurs et d'affronter les encombrements, l'augmentation des prix - lorsque la qualité de l'accueil se dégrade et que la satisfaction que les visiteurs en retirent diminue ; ils ne reviendront certainement pas et n'encourageront aucun de leurs amis à « faire le détour ».
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Il est intéressant de noter que la réflexion sur la capacité d'accueil des sites n'est pas l'exclusivité de farouches protecteurs de l'environnement naturel ou des monuments historiques, trouvant là une méthode permettant de justifier la limitation drastique de l'accès du public à défaut de l'interdire totalement. Elle est aujourd'hui utilisée par des planificateurs ou des aménageurs qui avouent que «le fait de reconnaître que le tourisme a lieu dans des environnements limités est quelque chose de tout à fait récent ; nous n'avons découvert ces limites qu'en les violant et cela la plupart du temps au détriment de l'industrie touristique. Dans certains cas, des dommages graves ou irréparables pour l'industrie touristique sont dus à l'action de responsables du tourisme et/ou aux touristes eux-mêmes» (8).
Les textes fondateurs du tourisme durable en Europe font référence à la capacité d'accueil
Conseil de l'Europe, Recommandation n°R (95) 10 relative à une Politique de développement d'un tourisme durable dans les zones protégées (11 septembre 1995) : « Il conviendra de développer des formes de tourisme fondées ( ... ) sur l'existence de différents types de zones protégées et la nécessité de prévoir une utilisation à des fins touristiques qui corresponde aux objectifs de chaque zone, qui tienne aussi compte des éventuelles influences des zones avoisinantes et qui soit fondée sur la notion-clé de capacité de charge du milieu ( ... ) Les activités devraient être réparties dans l'espace et le temps, selon la capacité de charge de la zone en question »
Conseil de l'Europe, Recommandation n°R (97) 9 relative à une Politique de développement d'un tourisme durable et respectueux de l'environnement dans les zones côtières (2 juin 1997) : « Les programmes d'aménagement touristique du littoral ( ... ) devraient faire l'objet d'une réflexion et d'une coopération avec tous les décideurs institutionnels partenaires et acteurs concernés et être réalisés ( ... ) en tenant compte de la capacité d'accueil physique et sociale des sites concernés ainsi que de leurs caractéristiques naturelles, paysagères, culturelles et socioéconomiques ». |
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